Ce mardi après-midi de mai, le rendez-vous est pris sur la grande plage d’Hendaye. Une dizaine de patients volontaires ont débarqué dans un minibus de l’association Surf Health, garé rue des Mûriers, juste en face de l’océan. Chacun a réussi à enfiler une combinaison, boudant parfois devant un petit ventre rond, avant de s’engager sur le sable à marée basse.
boitillant, un peu encombrés par leur planche, la traînant ou la portant sous un bras, sous l’autre, sur la tête. Danny, surfeur et éducateur spécialisé, donne le ton, calme et bienveillant. « Allez, pour commencer, on va s’échauffer, bouger, et masser la planche avec la cire ! » Quelques assouplissements plus tard, tous se jettent à l’eau, escortés par le docteur François Chevrier et Ainhoa Ordonez, psychiatre infirmière à Caradoc.
Le médecin et l’infirmière dans l’eau
Didier, 59 ans, vaillant surfeur patient, entame sa deuxième session. Son visage tendu trahit une certaine anxiété. “Le trac”, avoue-t-il. « Mon appréhension vient de mon surpoids. Avec la maladie, les médicaments, j’ai vraiment grossi et j’ai un peu honte. D’ailleurs, à cause de ça, je ne sortais plus du tout, j’évitais de me montrer. Alors imaginez enfiler une combinaison à la plage ! Moi qui l’aimais tant. Surf thérapie m’a obligé et franchement, j’ai découvert des sensations incroyables. Le mythe du surfeur blond, bronzé et costaud a vécu !

Emilie Drouinaud/ « SUD OUEST »
Dans l’eau, les premières minutes sont hésitantes, forcément, les planches volent, emportées par les vagues, se heurtent, se perdent et les débutants tâtonnent un peu, n’osent pas se lancer. Comme tous les débutants du monde. Il faut toute la patience de Danny, l’instructeur, l’accompagnement du docteur Chevrier et les rires d’Aïnhoa pour que la petite troupe commence à trouver un peu d’audace.
Le premier à monter sur sa planche est Jérôme : quelques secondes de bonheur portées par les cris d’encouragement de tous ses coéquipiers. « Il n’y a aucune idée de défi, assure le docteur Chevrier. Notre priorité est de les mettre en situation de trouver du plaisir dans le mouvement. Vivre l’instant présent qui constitue pour ces patients une bouffée d’air frais considérable. »
Dans l’eau jusqu’au cou, le surfeur psychiatre, sans planche, vient rassurer, encourager, stimuler. Et rire entre deux bouillons.
“Dans l’eau, j’arrête de m’y attarder”
Dans le groupe, tous sont actuellement soignés à la clinique Caradoc de Bayonne, soumis à des traitements chimiques, mais aussi diverses thérapies non médicamenteuses. Certains affichent une petite fatigue physique peu compatible avec la pratique du sport. Mais personne ne lâche prise. Caroline, par exemple, la quarantaine farouche, court d’une vague à l’autre et n’a pourtant rien d’une athlète. « C’est incroyable comme ça me fait du bien. Je ne m’en sentais pas capable, jamais de ma vie je ne suis monté sur une planche. J’y arrive, même un peu, ça me donne confiance. Je suis content de moi, enfin. Et puis, là, dans l’eau, j’arrête de ruminer, ma tête se calme. La nuit d’après… je dors. Vous savez, bonne fatigue. »

Emilie Drouinaud/ « SUD OUEST »
Lancelot a 21 ans, nom de chevalier pour un apprenti surfeur qui vient de découvrir qu’il peut se tenir debout sur une planche. Le bonheur de ce moment d’équilibre se lit sur son visage : « Je me sens mieux dans mon corps », avoue-t-il en sortant de l’eau. « Un bien-être que je ne connais pas ailleurs, et qui me fait du bien mentalement. »
Ainhoa, l’infirmière, s’ébroue sur la plage. Selon elle, les personnes souffrant de troubles bipolaires ont en commun une forme de handicap : « Elles s’auto-stigmatisent et n’osent plus sortir, ont perdu l’estime. La surf thérapie permet de travailler ça, sur ce territoire qu’ils s’interdisent, ça casse une serrure. » Même constat pour le Dr Chevrier qui conclut : « Ils font désormais partie de la communauté des surfeurs, et pas seulement des personnes bipolaires. »
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